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Approches Linguistiques de
 la langue d’Apollonios de Rhodes

Approches Linguistiques de
 la langue d’Apollonios de Rhodes

Journée d'études organisée par Emmanuelle Morel avec la collaboration d'Isabelle Boehm et de Christophe Cusset du laboratoire
- lundi 30 septembre 2019 - salle Buisson D8001 - ENS de Lyon
- programme de la journée (.pdf)

Résumés des communications

Alain Blanc, Université de Rouen Normandie
"Anthroponymes et toponymes à suffixe en -ῐδ... : Apollonios et les contraintes métriques"

Les Argonautiques contiennent des noms de peuples et des noms de héros, mais aussi beaucoup de noms de lieux. En grec, les noms de personnes et les noms de lieux sont souvent accompagnés de dérivés en -ῐδ... (-ῐδ- ou -ῐδᾱ-), mais l'adjonction du suffixe peut créer un mot qui n'entre pas dans l'hexamètre. Le but de la communication sera de voir quels procédés morphologiques ont été employés par Apollonios de Rhodes pour plier ces dérivés aux contraintes de l'hexamètre. On sera amené plusieurs fois à se demander à quel dialecte grec ou à quel idiome appartiennent les mots porteurs de ces suffixes.

Maria Margherita Cardella,  Université de Milan
"Les composés nominaux à premier membre ἐν° dans les Argonautiques : entre tradition et innovation"

Les composés nominaux à premier membre ἐν° apparaissent en grec à partir de la langue homérique (les exemples en mycénien étant difficiles à déterminer) : il s’agit d’un ensemble de mots homogènes d’un point de vue morphologique et hétérogènes d’un point de vue sémantico-syntaxique, la similitude des formes correspondant à une pluralité de catégories compositionnelles. D’un point de vue lexical, le groupe des composés à premier membre ἐν° est constitué à la fois de mots poétiques et de termes technico-scientifiques ; il y a aussi certains exemples de mots d’usage commun, mais ils sont loin d’être la majorité.
Chez Apollonios de Rhodes on trouve une vingtaine de composés à premier membre ἐν°, dont presque les deux tiers remontent à l’épopée archaïque et notamment à Homère ; les autres mots appartiennent surtout aux vocabulaires de la médecine et des études naturalistes.
Dans ce cadre, on approfondit surtout l’emploi des mots homériques, en soulignant que les différences d’emploi, lorsqu’elles existent, sont en corrélation avec les évolutions et les changements généraux de la syntaxe interne des différentes classes compositionnelles à premier membre ἐν°. En ce qui concerne les mots à caractère technico-scientifique, on remarque qu’ils font partie de toutes les catégories compositionnelles, et non pas seulement de celles qui s’avèrent les plus productives dans d’autres textes, comme on pourrait s’y attendre au vu de leur petit nombre.

Martine Cuypers, Université de Dublin
"
Formal Aspects of the Simile in Apollonius’ Argonautica"
This article analyses syntactic, pragmatic and semantic aspects of Apollonius’ epic similes in comparison with the similes of the Iliad and Odyssey. It analyses the semantic and grammatical connections and transitions between tenor and vehicle (conjunction, pivot, resumption, pre- versus appositive similes); tense/aspect/mood; and Apollonius’ use of satellites such as (epic) τε and ἄρα and other ‘paraformulaic’ phenomena.

Julia Del Treppo, Université Paris Sorbonne
"Imiter Homère : sur la tmèse chez Apollonios de Rhodes"

La présente communication étudie la syntaxe de la tmèse chez Apollonios de Rhodes, en comparant les contraintes syntaxiques rencontrées pour ce phénomène dans les Argonautiques à celles observées dans les poèmes homériques. Cette question syntaxique offre une entrée féconde dans l’étude du style épique d’Apollonios, en soulevant la question stylistique de l’imitation de la langue homérique dans la création des énoncés et des vers apolloniens.
On s’interroge d’abord sur les verbes employés par Apollonios en tmèse, afin d'évaluer si le poète crée d’autres associations verbe-préverbe en tmèse que celles d’Homère, ou bien s’il s’en tient à la citation de celles qu’il connaît chez Homère.
Les caractéristiques syntaxiques étudiées sont ensuite notamment celle de la rection prépositionnelle ou non prépositionnelle de la préposition-préverbe en tmèse (Horrocks 1981, Hajnal 2004), qui permet d’identifier les emplois de la tmèse comme anaphore zéro du régime de la préposition-préverbe. Nous étudions également la position initiale ou non de celle-ci dans la phrase, ou encore la fonction du syntagme ou des syntagmes présents entre elle et le verbe.
Au regard de ces critères, on trouve dans la langue d’Apollonios la même multiplicité d’emplois que celle qu’on trouve dans la langue homérique. Apollonios semble toutefois présenter une plus grande régularité dans l’ordre des mots, et assigner plus régulièrement une position à un type d’emploi, en une forme d’hypercorrection stylistique.
Cette communication cherche également la trace de l’interprétation stylistique de la tmèse lisible dans les scholies à Homère, dont certaines remontent à la période alexandrine : certaines scholies analysent la tmèse homérique comme une figure de style rehaussant la violence des actions. L’emploi de la tmèse chez Apollonios ne permet pas en réalité de déceler cette interprétation, et l’imitation de la langue homérique par Apollonios de Rhodes se révèle plus précise que cette lecture réductrice.

Eric Dieu, Université Toulouse II
"Le meilleur et le pire chez Apollonios de Rhodes, ou de l’art d’être plus “homérique” qu’Homère"

Le présent article s’intéresse à l’emploi des formes de gradation signifiant « (le) meilleur », « (le) pire » (ἀμείνων, ἀρείων, etc.) chez Apollonios de Rhodes. Leurs emplois se situent entre tradition et innovation : le modèle principal est le modèle homérique, fortement détourné néanmoins par une propension à recourir principalement, voire exclusivement, à celles des formes homériques qui n’ont pas ou quasiment pas survécu en prose classique (développement très net de ἀρείων au détriment de ἀμείνων, élimination de χείρων en faveur de χερείων, disparition de κρείσσων et de ἥσσων, etc.). Toutefois, cette tendance à rechercher ce qui, dans la langue homérique, diffère de la prose classique, aboutit quelquefois à des résultats paradoxaux : par exemple, les deux seules occurrences d’ἀμείνων chez Apollonios, tout en étant clairement inspirées par l’influence homérique, sont, d’un autre point de vue, plus proches des emplois homériques de ἀρείων que de ceux de ἀμείνων. Cet article tient également compte d’autres influences sur la langue d’Apollonios de Rhodes que le modèle homérique, qui permettent plusieurs fois de mieux comprendre certaines divergences par rapport à la langue de l’épopée ancienne.

Daniel Kölligan, Université de Cologne
"
Possession and the history of the genitive in Apollonius Rhodius"

It is well known that from Classical to Modern Greek the genitive case lost a number of  functions, becoming gradually restricted to an adnominal case marking possession (cf. e.g. Nikiforidou 1991, Holten et al. 2004, Mertyris 2015). With its reliance on the epic (mostly Homeric) model of language and case use on the one hand and its dependency on developments visible in Hellenistic Greek on the other, Apollonius’ epic presents a good test case for the study of how conflicting patterns and tendencies may affect the author’s choices. The talk will discuss instances in which Apollonius copies Homeric case syntax as well as those in which he deviates from it, asking if both adoption and deviation follow a pattern. It will be shown that with regard to the choice of case and prepositional phrases Apollonius’ language is not simply a restricted version of the inherited epic diction, but that it shows innovative features betraying the Hellenistic philological interests in Homer and the reinterpretation of Homeric features following the model of Hellenistic Greek.

Emmanuelle Morel, Université Lumière Lyon 2
"Apollonios de Rhodes et le vocabulaire homérique : les  verbes en ‑
ιάω et les verbes en -άω à vocalisme ō"

Une partie importante du vocabulaire des Argonautiques est empruntée aux épopées homériques, ce qui n’implique pas qu’Apollonios les emploie de la même manière qu’Homère. Cette communication se propose d’étudier la manière dont Apollonios réutilise deux séries de verbes déjà présents dans le texte homérique, les verbes en ‑άω à vocalisme ō et les verbes en ‑ιάω, et de comparer leur emploi chez Apollonios avec celui que l’on trouve dans les épopées homériques. 
Ces deux séries de verbes sont considérées comme caractéristiques de la langue épique archaïque. Les verbes en ‑ιάω, et en particulier les formes à diectasis, sont très présentes à la fois chez Homère et chez Apollonios en raison de leur commodité métrique. Les verbes en ‑άωà -ō- radical, qui ne se trouvent guère en dehors de la langue poétique, appartiennent à une série qui déjà à l’époque archaïque est très peu productive et qui l’est encore moins par la suite, contrairement à celle des verbes en ­‑ιάω, toujours productive à l’époque hellénistique. Ces deux séries sont bien représentées dans l’épopée d’Apollonios, d’une part parce qu’il réutilise largement le vocabulaire homérique et d’autre part parce qu’il emploie de nouveaux verbes appartenant à ces catégories.
Il s’agira alors de comparer l’utilisation de chacun de ces verbes dans les Argonautiques avec son emploi dans le texte homérique, notamment sous les angles morphologique, sémantique et syntaxique. Si certains emplois des Argonautiques sont très proches de ce que l’on peut trouver chez Homère, parfois même sur le mode de la référence, d’autres s’en écartent notamment sur le plan syntaxique et il s’agira de déterminer pourquoi. Enfin, à la lumière de ces observations, nous étudierons les verbes nouveaux relevant de ces deux catégories.