La MAFDO conduite par M. Crépy (Ifao) a réalisé en janvier 2023 une campagne de terrain de cinq semaines dans le désert Oriental, sur les sites de Ghozza et Deir el-Atrash. Le site de Ghozza, un village de mineurs exploré par Bérangère Redon, a livré des vestiges particulièrement intéressants et jusqu’ici très peu attestés sur le terrain, sous la forme de cinq paires d’entraves en fer. Leur forme et leurs dimensions indiquent sans conteste qu’elles servaient à entraver des humains, très probablement une partie de la main d’œuvre qui travaillait sur le site de la mine.
Les entraves à esclaves ou à prisonniers sont connues par les textes (Agatharchide, un auteur du IIe s. av. J.-C. qui décrit justement les mines d’or du désert Oriental atteste que la plupart des mineurs étaient entravés : Diodore III, 12, 3) mais il est extrêmement rare d’en trouver sur le terrain, qui plus est dans un contexte qui ne fait aucun doute : celui d’une mine d’or. Les entraves de Ghozza sont à ce jour les plus anciennes jamais découvertes dans le monde méditerranéen (quelques entraves d’époque romaine sont attestées, notamment en Grande Bretagne). Elles ressemblent très fortement à des attaches découvertes dans les mines d’argent du Laurion (Grèce), mais sans contexte archéologique associé. Ce n’est pas la première fois qu’un lien direct entre les mines de Grèce et les mines d’Égypte a pu être fait dans le désert Oriental : des moulins à broyer le quartz mis au jour à Samut Nord trouvent en effet leurs plus exacts parallèles au Laurion. Les transferts technologiques ont été nombreux, alors que les mines d’or d’Égypte ont été rouvertes dès le début de l'époque hellénistique (fin du IVe s. av. J.-C.) par le nouveau pouvoir en place installé à la tête de l’Égypte à la suite de la conquête d’Alexandre, sans doute avec une grande partie d’ingénieurs expérimentés venus de Grèce et de Macédoine.
La découverte des entraves de Ghozza rappelle que les magnifiques montagnes du désert Oriental ont été le cadre d’horribles souffrances pour des centaines de personnes employées dans les mines des Ptolémées.
Légende : Détail des trois parties de l’une des entraves hellénistiques de Ghozza (© MAFDO)