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Kition-Idalion-Tamassos

Kition-Idalion-Tamassos

 Villes et territoires de royaumes chypriotes au cours du Ier millénaire av. J.-C.

carte

Carte rassemblant les principales propositions d’organisation spatiale des royaumes chypriotes, réalisée à partir du schéma de diffusion des productions coroplastiques archaïques établi par S. Fourrier (W. Kennedy, à partir de sources diverses).

Projet de Recherche Collaboratif (PRC) financé par l’ANR-DFG
Durée : avril 2022 - mars 2025

Responsables
Sabine Fourrier (CNRS/Hisoma-MOM, porteur français), Stephan G. Schmid (Humboldt-Universität zu Berlin, porteur allemand), Anna Cannavò (CNRS/Hisoma-MOM, co-porteur français), Matthias Recke (Goethe-Universität Frankfurt, co-porteur allemand).

Principaux partenaires institutionnels
CNRS/Hisoma et MOM ; Winckelmann-Institut, Humboldt-Universität zu Berlin ; Institut für archäologische Wissenschaften, Goethe-Universität Frankfurt ; Department of Antiquities, Cyprus ; Archaeological Research Unit, University of Cyprus ; Institute of Historical Research, National Hellenic Research Foundation ; Cyprus Institute

Participants Hisoma
Anna Cannavo, Sabine Fourrier et Alexandre Rabot

Au cours de la première moitié du Ier millénaire av. J.-C., Chypre était divisée en une dizaine de royaumes autonomes, attestés par des sources primaires (inscriptions et monnaies) ainsi que par des sources secondaires (textes grecs et proche-orientaux). Si l’époque de leur établissement reste contestée, leur disparition peut être datée vers la fin du ive- début du iiie  s. av. J.-C., lorsque l’île unifiée devint une province de l’Égypte ptolémaïque.

Paradoxalement, la fragmentation politique de l’île, qui a caractérisé sa longue histoire, n’a guère été analysée dans ses aspects concrets : les territoires des différents royaumes, leurs frontières, leur mode d’organisation (notamment leurs relations avec les cités capitales) et leur évolution diachronique. Par une étude de cas à l’échelle régionale et à travers une approche multidisciplinaire, ce projet vise à dépasser les modèles théoriques. Il rassemble des historiens et des archéologues (spécialistes de la culture matérielle et de l’analyse spatiale) autour d’un projet basé sur des études en cours et interconnectées de trois royaumes voisins, et il aborde la question complexe des territoires culturels et politiques à une nouvelle échelle régionale. Les royaumes de Kition, Idalion et Tamassos constituent un cas d’étude particulièrement pertinent pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les trois royaumes sont bien documentés par des sources historiques (textes littéraires et inscriptions) : on sait qu’à l’époque classique (ve-ive s. av. J.-C.) les rois de Kition ont pris le contrôle d’Idalion et de Tamassos. Ce sont aussi trois royaumes particuliers : selon l’historiographie traditionnelle, Kition est le modèle du royaume « phénicien » ; Idalion et Tamassos sont des royaumes « grecs » de l’intérieur de l’île, sans accès direct à la côte. De plus, les trois villes et leurs territoires sont archéologiquement bien connus, avec des contextes variés (nécropoles, sanctuaires, espaces domestiques, palais, établissements secondaires) et des vestiges matériels abondants. Ce sont enfin des sites où des équipes françaises et allemandes mènent des projets de terrain.

Afin d’appréhender l’histoire des trois royaumes, leurs relations ainsi que l’organisation de leur territoire dans la longue durée, il est prévu de mobiliser toutes les sources, archéologiques et historiques, en les croisant et en recourant à diverses approches disciplinaires. L’objectif est d’établir un premier jalon pour une histoire renouvelée de Chypre à l’âge du Fer, attentive à la complexité des évolutions régionales.

Cette première étude approfondie et comparative de trois royaumes voisins ouvrira la voie à de futures recherches sur les royaumes chypriotes.

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Kition-Idalion-Tamassos

Cities and territories within Cypriot kingdoms during the first millennium BC

During the first half of the first millennium BC, Cyprus was divided in about ten autonomous polities, attested by primary sources (inscriptions and coins) as well as by secondary sources (Greek and Near Eastern texts). While the time of their emergence remains disputed, their disappearance can be dated towards the end of the 4th-beginning of the 3rd c. BC when the unified island became a province of Ptolemaic Egypt.

Paradoxically, the political fragmentation of the island, which has characterized its long history, has hardly been analysed in its concrete aspects: the territories of the various kingdoms, their limits, their mode of organization (most notably their relationship with the capital-cities) and their diachronic evolution. Researching a regional case study through a multidisciplinary approach, this project aims to go beyond theoretical models. It brings together historians and archaeologists (specialists of material culture and of spatial analysis) for a project based on ongoing, interconnected studies of three different kingdoms and tackles the complex issue of cultural and political territories on a new, regional scale. The polities of Kition, Idalion and Tamassos constitute a particularly relevant case study for several reasons. First, the three kingdoms are well documented by historical sources (literary texts and inscriptions): we know that during the Classical period (5th-4th c. BC) the kings of Kition, gained control over Idalion and Tamassos. They are also three singular kingdoms: according to traditional historiography, Kition is the model of the “Phoenician” kingdom; Idalion and Tamassos are “Greek” inland kingdoms without direct access to maritime trade. Furthermore, the three cities and their immediate surroundings are well explored by archaeology, with varied contexts (necropoleis, sanctuaries, domestic areas, palaces, secondary settlements) and abundant material evidence. Finally, they are sites where French and German teams lead field projects.

In order to comprehend the history of the three kingdoms, their interrelations as well as the organization of their territorial space in the longue durée, we will mobilize all archaeological and historical sources, by crossing them and by resorting to various disciplinary approaches. The aim is to establish a first milestone for a renewed history of Cyprus in the Iron Age that is attentive to the complexity of regional developments.

This first, thorough and comparative study of three neighbouring polities will pave the way for future research on Cypriot kingdoms.

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siglos et sourcesExemples de sources historiques étudiées dans le cadre du projet KIT : ostracon phénicien avec liste à caractère administratif de Kition-Bamboula, vie siècle av. J.-C. (mission archéologique de Kition) ; siglos en argent d’Idalion à légende chypro-syllabique, collection de la BnF (SilcoinCy A4564, kyprioscharacter.eie.gr/en/cyprus-coins/details/A4564).

Ce projet vise à mieux comprendre les royaumes chypriotes de l’âge du Fer. Afin de renouveler et de dépasser le débat interprétatif, on propose une approche bottom-up, basée sur l’étude diachronique de l’organisation urbaine et territoriale d’une région de l’île. Les trois royaumes choisis pour cette étude (Kition, Idalion et Tamassos) présentent plusieurs avantages :

La région est caractérisée par un paysage varié, incluant les contreforts du Troodos (avec des gisements de cuivre dans les pillow lavas autour de Tamassos), la plaine centrale (autour d’Idalion) de grande importance agricole et stratégique (avec la rivière Gialias) et la zone côtière, profondément transformée par l’évolution récente du littoral (Kition).

Les sources disponibles (tant historiques qu’archéologiques) sont nombreuses et variées, et elles couvrent l’ensemble de l’âge du Fer. Les textes montrent clairement que l’un des royaumes (Kition) a successivement pris le contrôle des deux autres (Idalion, puis Tamassos), ce qui a entraîné des transformations et des reconfigurations territoriales. Il s’agit donc d’un cas exceptionnel qui permet de croiser des sources textuelles ainsi que des données topographiques et archéologiques dans un cadre historique connu, et de tester la validité interprétative des marqueurs archéologiques.

  La recherche est déjà avancée sur certains dossiers, puisque les équipes française et allemandes travaillent depuis longtemps dans la région.

Le projet repose sur l’étroite collaboration des trois équipes (une française, deux allemandes), chacune spécialisée dans l’un des trois royaumes : Kition (équipe française), Idalion et Tamassos (équipes allemandes). On partage et analyse, dans le cadre de problématiques de recherche communes, l’ensemble des données primaires issues des différents sites.
Cette approche n’est pas seulement comparative : elle vise à mettre en évidence des relations, qu’elles soient de caractère culturel ou politique. Le réseau de communication au sein des territoires des royaumes sera également étudié. En s’appuyant sur des observations archéologiques et historiques, ce projet permettra d’éprouver et de dépasser les schémas théoriques préconçus.

Une attention particulière est prêtée aux évolutions à long terme. La qualité et la quantité des témoignages pour les trois royaumes permettent de confronter les données archéologiques aux sources écrites, et de caractériser les processus d’évolution sur la longue durée (par ex., phénomène de « territorialisation » et schémas d’implantation extra-urbaine), ainsi que l’impact d’événements spécifiques (par ex. la conquête d’Idalion par Kition) qui peuvent susciter des développements à long terme.
Toutes les sources (littéraires, épigraphiques, numismatiques et archéologiques) sont prises en considération, en suivant différentes méthodes (établissement de corpus, analyse spatiale, caractérisation de productions locales).
 

Colonel Falkland WarrenLe colonel Falkland Warren avec certaines des trouvailles de Tamassos-Phrangissa (1885). La photographie a été prise avant que les objets ne soient partagés entre plusieurs musées et collections ; certaines des statues retrouvées, photographiées avec la même orientation que sur la photographie historique (en jaune), ont été replacées sur celle-ci (E. A. Carletti, modifications Matthias Recke).

Le travail sera organisé en quatre groupes de travail (GT). Les trois premiers mobilisent des méthodes et des sources différentes :
● analyse des sources historiques (textes littéraires, inscriptions, monnaies, GT1)
● études de culture matérielle (céramique, sculptures, terres cuites, GT2)
● études spatiales (SIG, GT3).
Chaque discipline a ses propres méthodes, mais les données et les résultats obtenus dans chaque GT sont rassemblés et confrontés à chaque étape du projet. L’aspect le plus résolument novateur est en effet le croisement systématique de différentes sources ainsi que l’étude conjointe des trois royaumes (au même rythme et avec les mêmes méthodes, répondant à des problématiques scientifiques communes).
● le GT4 est consacré à la gestion du projet. Plusieurs rencontres sont prévues, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, pour diffuser et publier les résultats obtenus, ainsi que pour les comparer et confronter à ceux d’autres projets en cours, concernant d’autres royaumes de Chypre.