Aller au contenu principal

PoetRRi

[Projet scientifique Axe B | Cultures anciennes et temporalités]

PoetRRi - La poésie augustéenne et la représentation des pratiques rituelles

Projet financé par l’AAP « Projet émergent » de l’ENS de Lyon

Porteurs scientifiques
Bénédicte Delignon
Romain Loriol

Principaux collaborateurs scientifiques du laboratoire
Bénédicte Delignon
Romain Loriol

Partenaires institutionnels extérieurs
CARRA (Centre d’analyse des rhétoriques religieuses de l’Antiquité), Université de Strasbourg.
Institut d’Archéologie et des Sciences de l’Antiquité de l’UNIL (Université de Lausanne)

Chercheurs extérieurs impliqués
Hasegawa Alexandre, Université de Sāo Paulo
Nelis Damien, Université de Genève
Pfaff Maud, Université de Strasbourg, CARRA
Prescendi Francesca, EPHE, histoire des religions
Rolle Alessandra, Université de Lausanne
Rosso Emmanuelle, Sorbonne Université, Rome et ses Renaissances
Thévenaz Olivier, Université de Lausanne, IASA, poésie augustéenne
Thorsen Thea, Norwegian University (NTNU)
Wyler Stéphanie, Université Paris Diderot

Résumé du projet

Croisant poésie, histoire et anthropologie des religions, le projet entend explorer la manière dont les poètes augustéens mettent en scène les rites, les réélaborent et les resémantisent, à un moment-charnière de l’histoire de Rome où le pouvoir procède à une restauration religieuse et où les lettrés sont amenés à réfléchir aux modalités et au sens des pratiques cultuelles. Il s’agit de montrer que les poètes, loin de construire un objet littéraire hors sol, une « image poétique » des rites, jouent un rôle décisif dans la redéfinition de la culture religieuse et symbolique des élites romaines et de leurs rapports aux dieux.

Les avancées de l’anthropologie religieuse de l’Antiquité (Feeney 1998 ; Beard, North, Price 1998 ; le groupe de recherche Figura, 2007-2012 ; Rüpke 2016) incitent en effet à regarder poésie et « religion » comme deux pratiques culturelles au même degré et indissociables : la poésie n’est pas moins que la « religion » en prise avec la réalité de la société ; la « religion » s’exprime autant dans la parole et dans l’image poétiques que dans une inscription votive ou un compte rendu sacerdotal. Dans la même perspective, les historiens des religions soulignent que le ritualisme romain n’exclut pas toute forme de croyance et que les récits et étiologies des poètes participent d’une réflexion des Anciens sur le sens des rites traditionnels (Linder & Scheid 1993). Alors que la continuité entre religion et poésie s’impose comme une évidence pour la lyrique grecque archaïque (Le Meur, Delignon, Thévenaz, 2022), les spécialistes de poésie augustéenne ont encore peu emprunté ce tournant méthodologique. C’est ce que le projet PoetRRi se propose de faire, en étudiant la manière dont pratiques religieuses et représentations poétiques des rites interagissent.

Les rites constituent un corpus à ce jour peu étudié dans sa globalité pour l’époque augustéenne. Ils présentent pourtant un intérêt particulier pour comprendre la manière dont les poètes contribuent à l’interprétation des gestes et des signes religieux. L’idéal d’orthopraxie romaine, c’est-à-dire le respect scrupuleux des règles du rite, est un horizon d’attente que les poètes déjouent régulièrement, en introduisant gestes, objets ou acteurs qui n’y ont pas normalement leur place. Les connaissances des poètes en matière religieuse ne font pourtant aucun doute et l’analyse littéraire doit permettre de comprendre ce qui motive ces écarts volontaires, plus ou moins marqués, et d’évaluer les effets qu’ils produisent. Autrement dit, le rite, par sa stabilité, est un révélateur fiable de réélaboration poétique et se trouve ainsi au cœur des interactions entre religion et poésie.

Les représentations de rites se rencontrent dans toutes les œuvres de Tibulle, Properce, Virgile, Horace et Ovide et forment un corpus de plusieurs centaines d’occurrences, d’un développement très variable, tantôt détaillé, tantôt allusif. Mais la longueur de la description ne dit rien de son importance, et les différentes mentions de rites seront analysées et mises en réseaux. L’approche pluridisciplinaire visera tout à la fois à mettre en lumière le potentiel poétique des rites, c’est-à-dire ce qui les rend propres à devenir un élément de la narration ou de la description poétiques et à y produire des effets spécifiques, et la manière dont les poètes exploitent ce potentiel.

Références bibliographiques
Beard M., North J., Price S., Religions of Rome, Cambridge, 1998.
Belayche N., Pirenne-Delforge V. (éds.), Fabriquer du divin. Constructions et ajustements de la représentation des dieux dans l’Antiquité, Liège, 2015.
Briquel D., Guittard C. (éd.), Les écrivains du siècle d’Auguste et l’Etrusca disciplina, Tours, 1991.
Feeney D., Literature and Religion at Rome, Cambridge, 1998.
Le Meur N., Delignon B., O. Thévenaz (éd.), Performance et mimesis. Variations sur la lyrique cultuelle, de la Grèce archaïque au Haut-Empire romain, Kernos, supplément, 2022.
Linder M., Scheid J., « Quand croire c’est faire. Le problème de la croyance dans la Rome ancienne », ASSR 81, 1993, 47-61.
Rüpke J., On Roman Religion. Lived Religion and the Individual in ancient Rome, Ithaca – Londres, 2016.
Scheid J., Quand faire c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains, Paris, 2005.
Scheid J., « Les émotions dans la religion romaine » dans Prescendi F. et Volokhine Y. éd, Dans le laboratoire de l’historien des religions, Mélanges offerts à Philippe Borgeaud, Genève, 2011, 406-415.

Types d'opérations
Le 20 mai 2022, l’atelier préparatoire « PoetRRi – Définir le potentiel poétique des rites : méthode et perspectives » permettra le lancement du projet.
Un séminaire trimestriel et 3 rencontres scientifiques.   

Principaux délivrables envisagés
Le projet se fixe pour objectif la publication d’un ouvrage de synthèse et donnera lieu à la publication de plusieurs articles.