Axe D3 : Lieux de pouvoir et figures d'autorité
Coordination Saint-Étienne
C’est l’autre versant du thème d’étude D2 et la frontière entre les deux programmes est poreuse. Le pouvoir n’est plus ici étudié du point de vue de ses vecteurs, relais ou au contraire résistances, mais du point de vue de ses modes d’expression et des supports de sa représentation : témoignages littéraires ou non spécifiquement littéraires (épigraphie, numismatique, sculpture, peinture, architecture), ce qui constitue en diachronie longue la réception de figures d’autorité prises à des époques différentes de l’Antiquité.
La première démarche se fondera sur un recensement systématique qui inclura les mythes et le recours au corpus mythologique, mis au service de la propagande royale ou impériale. Sera ainsi étudiée dans l’Alexandrie des Ptolémées la figure royale d’Arsinoé II (C. Cusset).
Il est également intéressant d’étudier, au cœur même de ces sphères de pouvoir, la place de la figure du précepteur du prince, notamment lorsqu’il s’agit d’un personnage lettré, le plus souvent évacué de l’iconographie officielle, mais dont le discours réflexif dessine une image différente de ce prince. À ce titre, la figure du célèbre rhéteur Ausone est incontournable (F. Garambois).
En lien direct avec la figure de pouvoir, on étudiera la cérémonie aulique du mariage et sa perception par les écrivains engagés dans la militia impériale, particulièrement au travers de l’épithalame, genre qui renvoie une image sublimée de la cour et oscille entre reflet des coutumes attestées par la réalité archéologique et fonction encomiastique. La part d’adéquation ou d’écart entre un genre codifié et la réalité politique pourrait être révélatrice, au-delà de la réflexion sur le genre en lui-même, du niveau de participation de ces auteurs à la « propagande » impériale (F. Garambois).
Enfin, autre aspect de la figure d’autorité, celle du tyran, et principalement le tyran dans le corpus des historiens grecs de Rome, à la croisée des chemins entre les récits historiques grecs et la tradition romaine. On étudiera le tyran à la fois comme objet de fantasmes politiques et comme pivot d’idéologies antiques. Ces témoignages littéraires et historiques s’augmenteront des recherches sur l’association des maladies physiques ou psychologiques aux personnages de tyrans ou à leur régime avec une étude de la tyrannie dans les théories des cycles des régimes politiques (S. Keffalonitis).
Discours de l’écrit et discours de l’image
L’approche numismatique est à l’aise dans l’étude de ces pratiques discursives, en particulier sur le chapitre de la mise en image de la fierté civique, de l’auto-célébration gentilice, de la personne du prince et de sa famille ; elle y rejoint ceux qui s’intéressent aux figures du prince à travers les formes littéraires (éloges et panégyriques) ou au contraire à travers le prisme de la littérature polémique chrétienne. La riche iconographie monétaire rejoint aussi les études sur le cérémonial impérial et le cadre où il est scénographié, essentiellement urbain (adventus, entrées impériales, cérémonies religieuses, sacrifices, triomphes, adlocutiones, distributions, congiaires, donativa, remise de l’or coronaire, etc.), ainsi que les études de topographie urbaine (distribution spatiale des inscriptions, architecture) portant sur l’organisation des lieux du pouvoir.
Les manifestations et représentations écrites et artistiques du (des) pouvoir(s) dans le monde romain au Ier siècle après J.-C. seront plus particulièrement étudiées dans le cadre des travaux de la Société internationale d’études néroniennes (SIEN), qui regroupe des chercheurs européens et américains, et qui a d’ores et déjà organisé huit colloques internationaux.
Intention, invention, propagation, réception
Les questions d’intentionalité du message idéologique et d’impact sur les récepteurs posent un problème de méthode : degré de literacy du public visé par les inscriptions épigraphiques ou monétaires ; instruments de mesure statistique pour quantifier le degré d’« exposition » d’un public au message convoyé. L’efficience du message idéologique, texte et image, se mesure à sa postérité – imitation d’Alexandre ; Pétrarque et César – et à la pérennité de ses formes adaptées à d’autres univers mentaux – cités terrestres et cité de Dieu (P. Mattei et Sources Chrétiennes) ; figures d’autorité ecclésiastique : la figure de l’évêque (A. Canellis).